Introduction :
L’intensification
des cultures et l’usage répété chaque campagne des même insecticides ont
favorisé l’apparition d’espèces de ravageurs insectes autrefois inexistants ou
dont l’infestation était très faible.
Parmi
ces déprédateurs, on peut citer : la chenille des friches, la mineuse des
agrumes, la mouche blanche du cotonnier et le Prodenia. Ce dernier ravageur
pullule d’une manière sporadique lorsque les conditions lui sont favorables et
provoque alors de très sérieux dégâts aux cultures.
En
effet, l’agressivité de ses chenilles peut entraîner un dénudement des plantes hôtes et des dommages sur racines
et fruits.
Compte
tenu des problèmes phytosanitaires engendrés par ce ravageur aux cultures dans le périmètre, la présente
note technique a été élaborée par le Bureau Phytiatrie pour apporter plus d’informations sur sa
bio-écologie et sur les moyens de lutte
préconisés pour juguler d’une manière efficace cet insecte nuisible.
I
- Morphologie de l’insecte :
L’insecte Prodénia est un papillon de
la famille des noctuelles, ayant les caractéristiques suivantes :
- Oeufs : Sphériques et légèrement aplatis de
couleur
noire avant
l’éclosion.
- Larve :
la larve plus âgée présente trois lignes longitudinales (une médiane dorsale et deux latérales), de plus le premier et le
huitième segment abdominal ont chacun deux
tâches angulaires noires de chaque côté
(Longueur : 30-50 cm)
- Chrysalide: De
couleur brune ayant à l’extrémité apicale deux petites épines recourbées.
- Papillon:De couleur brun-grisatre. L’envergure des
ailes est de 30
à 40 mm.
II - Bio-écologie :
Selon les recherches menées aussi bien
au niveau du Tadla qu’au niveau national, la bio-écologie du prodénia est la
suivante :
* Le
papillon mâle de ce ravageur s’accouple avec la femelle pendant la nuit après
avoir atteint sa maturité sexuelle; 24 à 28 heures après, la ponte a lieu sur
la face inférieure des feuilles.
* La femelle pond jusqu’à 4.000 œufs par
groupes ou amas de 300 à 600 œufs ou
plus à la fois à partir du mois de juin.
* L’incubation
des œufs dure 2 à 3 jours en été et 15 à 22 jours en hiver.
* Les
larves après leur éclosion restent groupées au voisinage du point de ponte en se nourrissant de l’épiderme des feuilles,
puis tendent à se disperser au fur et à mesure de leur développement sur leurs
surfaces. Elles se déplacent en se laissant porter par des fils de soie qu’elles
secrètent et attachent au bord des feuilles.
Arrivée
à son 3ème ou 4ème
stade, la larve tombe sur le sol où elle
se cache la journée et apparaît la nuit pour se nourrire sur la plante. En
fonction du nombre de génération, ces larves seront actives jusqu’au mois de
septembre.
La larve subit 5 mues successives et
passe par 5 stades larvaires dont le dernier dure longtemps et correspond au
maximum de dégâts. Le développement larvaire a lieu pendant une durée variable
en fonction de la température : 12 jours (29 à 35 °C), 2 à 3 semaines (24
à 28 °C) et 30 jours ( 18 à 20 °C) (voir figure ci-après).
A très basses températures, on peut
observer un arrêt de croissance de plusieurs mois des larves de ce ravageur.
Arrivée à son développement maximal, la
larve se nymphose dans le sol pour une
durée qui varie entre 7 et 14 jours selon la température. Après l’émergence du
papillon, celui-ci vit en général entre 4 à 10 jours pendant l’été.
Cette noctuelle qui a un comportement
migratoire est capable lorsque les conditions sont favorables, de pulluler et
de provoquer alors de sérieux dégâts aux cultures.
Du
point de vue écologique, le Prodénia aime le climat chaud comme celui
caractérisant le Tadla. Cette espèce se reproduit toute l’année à raison
de 7 générations par an. Quatre
premières de ces générations se développent sur le trêfle (Bersim) entre
l’automne et le printemps (septembre à
mai).
Les deux suivantes sur le coton et
autres cultures en juin et juillet et la septième en Août sur le coton, la
luzerne et le maïs.
Les
champs fraîchement irrigués attirent les femelles pour la ponte.
L’envahissement maximum d’une culture a lieu trois jours après son irrigation. Les sols d’humidité supérieure à 20 % sont très favorables à la nymphose et à l’émergence des adultes.
III
- Importance économique et répartition géographique du
Prodenia:
Le Prodénia dénommé scientifiquement Spodoptera
littoralis est une noctuelle dont les chenilles sont voraces et polyphages.
Cette espèce est considérée comme un ravageur d’importance économique, car elle
s’attaque à de nombreuses cultures notamment le cotonnier, la luzerne, le maïs,
le trèfle, la niora, la betterave, les cultures maraîchères et les
plantes ornementales.
Cette noctuelle est présente partout au
Maroc, et dans le bassin méditerranéen, dans d’autres pays d’Afrique et au
Proche Orient ; elle a été détectée dans les pays du centre et du nord de
l’Europe sans pouvoir s’y établir.
Les adultes de cette espèce sont
dispersés d’une zone à l ‘autre au moyen des vols migratoires qu’ils
accomplissent sur de longues distances ce qui rend les mesures phytosanitaires
aléatoires dans les régions où ce ravageur
est établi.
IV - Description des dégâts occasionnés aux cultures :
Les dégâts engendrés par le Prodénia aux
cultures sont de deux types :
*Creusement des galeries sur racines des
espèces végétales betterave à sucre, Carotte, …..
*Défoliation des plantes quel que soit
leur espèce végétale.
La description des dégâts occasionnés souvent aux cultures est la suivante :
La description des dégâts occasionnés souvent aux cultures est la suivante :
* Betterave à sucre:
Il y a présence de
galeries sur racines ainsi que des perforations sur limbes des feuilles
encore restantes et non desséchées.
* Coton :
les premiers dégâts apparaissent à la partie
supérieure des plants où les jeunes
chenilles groupées dévorent par endroit
la face inférieure des feuilles ne laissant que l’épiderme
supérieure transparente. Un peu plus
âgée, elles se dispersent et consomment
les feuilles n’épargnant que les
nervures principales. Elles se nourrissent également des boutons floraux et
des fleurs.
* Niora :
On
peut assister à une destruction totale des fruits et du feuillage par la suite d’une infestation
importante des chenilles de ce ravageur.
* Luzerne :
Une attaque de Prodenia entraîne selon son
degré d’infestation un dénudement des plants de luzerne et même leur anéantissement total en absence
d’interventions chimiques appropriées.
V- Stratégie de lutte contre le
Prodenia :
Compte
tenu de la bio-écologie de cette espèce noctuelle, la stratégie de lutte
préconisée pour y faire face s’articule sur les méthodes de lutte
suivantes :
V-1.)
Lutte chimique :
La
lutte chimique contre le Prodenia donne de bons résultats lorsqu’elle est
conduite de façon raisonnée. La clé du problème et par conséquent :
« le bon produit, au bon moment, à la bonne dose, appliqué d’une manière
généralisée. si nécessaire ».
a-
Choix
judicieux du produit insecticide :
Il
est absolument primordial de bien choisir le produit en tenant compte :
*Du délai
d’utilisation avant récolte pour protéger le consommateur et
éviter les effets
d’intoxication du bétail.
b- L’intervention au bon moment :
Pour
cela, une surveillance attentive et régulière des cultures doit être entreprise
afin de décider de manière ponctuelle et raisonnée de l’opportunité de
l’intervention phytosanitaire. Cette façon peut éviter de très mauvaises
surprises dues aux pullulations inopinées de ce ravageur. Contre cet insecte
nuisible le traitement donne d’excellents résultats quant il est effectué
contre les jeunes stades au début de l’infestation de préférence le soir à
partir du coucher du soleil.
En
effet, les chenilles de cette espèce sont d’autant plus résistantes aux
insecticides qu’elles sont plus âgées et que le temps écoulé depuis leur
dernière mue est plus long. Les grosses
chenilles du 4ème et 5ème
stade sont invulnérables à
l’action des différents insecticides employés.
c- L’exécution du
traitement
C’est
un facteur essentiel dans la réussite de l’intervention phytosanitaire. Les chenilles du
Prodenia dès leur éclosion sont
polyphages et s’attaquent de préférence aux feuillages des plantes en rongeant
le parenchyme de la face inférieure des feuilles jusqu’à l’épiderme supérieure.
De ce fait, elles se trouvent sur la partie protégée des feuilles. Le matériel
de traitement doit être donc performant et régulièrement entretenu pour les
atteindre.
En matière de
lutte chimique contre ce déprédateur, 3 techniques peuvent être
utilisées :
V – 1-1- Pulvérisation des
insecticides contre les jeunes chenilles
au début de
l’infestation :
Cette
pulvérisation considérée comme technique de lutte la plus recommandée, doit
être effectuée d’une manière généralisée et en temps opportun au début de l’ infestation qui coïncide avec le mois
de juin à l’aide de l’un des produits insecticides suivants :
* Décis (0.5 L/Ha) (15 j) * Jadarme 25 wp ( 0.9-1.5 L/Ha)
(15 j)
* Cymbush (0.5
L/Ha) (15 j) * Salvador 24 wp ( 1.5-2.5 L/Ha) (15 j)
* Kikudine (0.6
L/Ha) (15 j) * Reldan 50 EC ( 0.7-1.2 L/Ha) (15 j)
* Baythroïd 50
(0.5 L/Ha) (15 j) * Vitname 20
(1.5-2.5 L/Ha) (15 j)
* Karaté EC
(0.2 L/Ha) (15 j) * Reldan 40 EC ( 0.9-1.5 L/Ha) (15 j)
* Sumi-alpha (
0.5 L/Ha) (15 j) * Dursban 4 (
0.75-1.25 L/Ha) (45 j)
* Azometrine 10
( 0.8 L/Ha) (15 j) * Duracid
480EC(0.75-1.25 L/Ha)(45 j)
* Arrivo 25 EC
( 0.3 L/Ha) (15 j) * Tamaron (1.5-2
L/Ha) (21 j)
* Ripcord 5 (
0.8 L/Ha) (15 j) * Orthène 50 (1.8 Kg/Ha) (30 j)
* Sherpa 10 (
0.5 L/Ha) (15 j) * Fastac (0.2
L/Ha) (20 j)
* Lannate 20 L
( 1.2-2 L/Ha) (15 j) * Talstar Flo (0.25 L/Ha) (25 j)
* Tracker 180
EC (0.20 L/Ha) (15 j)* Drifène AP (1.5 L/Ha) (20 j)
La réussite de
cette intervention chimique dépend du respect des conditions suivantes :
+ l’application
des insecticides précités selon les normes recommandées doit être faite
minutieusement pour anéantir ce ravageur
et sauvegarder les cultures.
+ Toutes les doses
d’insecticides conseillées doivent être diluées dans un volume d’eau variant de
600 à 1000 litres par ha selon le stade végétatif de la culture.
+ Comme il a été
décrit précédemment, les traitements chimiques anti-prodenia doivent être
réalisés de préférence l’après-midi vu que cet insecte se refuge sous les mottes
pendant le jour, mais ne s’attaque aux cultures qu’au crépuscule. Ces
traitements doivent être dirigés contre les jeunes chenilles de prodenia au
début de l’infestation qui coïncide avec le mois de juin. Ils ne doivent pas
être réalisés en présence de rosée ou de fortes chaleurs et ceci pour garantir
l’efficacité des produits à employer et éviter des cas de phytotoxicité sur les
cultures.
+ dans le cas des
fourrages (Luzerne) et pour éviter tout
risque d’intoxication du bétail, il est recommandé de ne traiter qu’après
fauchage de la luzerne.
V-1-2.)
Utilisation d’isecticdes micro-granulés incorporés dans la couche
superficielle du sol :
Cette technique peut être utilisée
contre les chenilles de prodenia plus ou moins âgées à partir du 3ème
ou 4ème stade larvaire et contre les chenilles des noctuelles terricoles.
En
effet, dans les zones où l’infestation est importante, les chenilles des stades
3, 4 et 5 migrent d’une parcelle à l’autre pour chercher leur nourriture. De ce
fait, elles sont obligées de parcourir le terrain pour y arriver à leur but. La
technique de lutte ainsi proposée est basée sur l’utilisation d’insecticides
micro-granulés plus toxiques et plus persistants qu’on peut utiliser en plein
d’une manière superficielle. Ces produits qui agissent par contact, ingestion
et inhalation peuvent entraîner une mortalité importante des chenilles de cette
espèce.
Parmi les produits
insecticides conseillés à cette fin on
peut citer :
·
Suscon 14G (28 Kg/Ha) (3 mois)
·
Dursban 5 G (20 Kg/ha) (3 mois)
·
Voltan (70 Kg/Ha) (3 mois)
V-1-3.)- Utilisation d’appâts empoisonnés :
On peut utiliser également cette
technique de lutte pour combattre les chenilles des stades 3 ou 4 ou 5 de
Prodenia et des autres noctuelles terricoles, et ce en épandant les appâts
empoisonnés aux insecticides soit à l’intérieur des parcelles cultivées soit à
leurs alentours de manière localisée
pour combattre ce ravageur et empêcher ses invasions vers les parcelles
indemnes.
Parmi
ces appâts, on peut citer :
·
Les
appâts vendus prêt à l’utilisation :
+ Spendos EC 35
(30 à 50 Kg d’appâts/Ha) (15 jours de
rémanence)
+ Parapat ( 20 Kg/Ha en localisé) (15 jours de
rémanence)
+ Chimappat (50-60 Kg/Ha) (15 jours de
rémanence)
+ Dursban
appât 20 % (50 Kg/Ha) (45 jours de
rémanence)
·
Les
appâts à préparer :
On prend 100 à
150Kg/Ha de son mouillé avec 15 à 60
litres d’eau auquel on ajoute l’un des insecticides (matières actives) suivants
par Kg de son :
- Acéphate
(24 g)
- Endosulfan (2.1 g)
- Endosulfan
+Parathion éthyle (8 mL de spécialité)
- Lindane
(4 g)
- Permethrine
(2 ml de spécialité)
- Toxaphène
(6 g)
Les appâts
recommandés doivent être épandus de
préférence le soir. A cet effet et vu la toxicité de ces produits, il est conseillé d’assurer une
surveillance des parcelles traitées pour
faire éloigner les volailles, les chats et les chiens qui peuvent s’alimenter
par erreur sur ces appâts empoisonnés.
Dans le cas des
fourrages, il y a lieu de procéder au fauchage de la luzerne avant l’emploi de
ces produits.
V-2.) Lutte culturale :
Parallèlement à la lutte chimique curative contre le
prodenia, on peut appliquer d’autres moyens de lutte culturale pour combattre
ce déprédateur :
Parmi
ces moyens on peut citer :
·
La destruction des mauvaises herbes qui
servent d’hôtes aux larves très jeunes de prodenia.
·
Le labour du sol en été pour tuer les
larves et les nymphes en les exposant au soleil.
·
L’arrêt des irrigations des champs de
betterave dès la fin de mai et leur raisonnement en été au niveau d’autres
cultures pour éviter la création des conditions favorables au développement du
Prodenia.
·
Le ramassage manuel des amas d’œufs
pondus sur feuillage des adventices en mai et juin et leur incinération.
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